Bienne vue par Robert Walser Deutsch

3. Le héros

Rue du Bourg 19, Théâtre municipal

Extrait de Wenzel, lu par Pascale Güdel.

C’est le soir du Nouvel-An et nous sommes au Théâtre Municipal. […] On y joue fougueusement, c’est du moins ce que pense Wenzel, un jeune apprenti en tréfilerie, âgé d’environ dix-sept ans. Il est assis ou debout, en haut, sur la galerie, dont on dit communément qu’elle menace de s’effondrer prochainement. Attentif, muni de sa canne, le maire inspecte rapidement le pont de la galerie puis descend dans sa loge; le pont suspendu tiendra encore bien assez solidement pour cette nuit. Comme ces «Brigands» sont divinement excitants et comme le théâtre est plein à craquer! On a aperçu quelque chose de vert sur la scène, c’était le parc Amalia. Comme l’éclair, une épée a surgi et un brigand aux jambes fluettes, du nom de Franz, s’est assis sur ses talons, c’est-à-dire qu’il a pris la fuite devant la femme en noir. Ces mots: «Les rois sont des mendiants, les mendiants sont rois!» ont été beaux maintes fois. Wenzel en a tremblé. Et puis, il y a eu une scène nocturne dans le genre médiéval. En chemise de nuit, Franz a bondi, pourchassé par la peur des fantômes. Et alors qu’il se comporte comme l’auteur l’a voulu, entendez qu’il se roule par terre en prononçant de terribles paroles, un fabricant de boîtiers de montres hurle de la galerie: «Il est fou!», ce qui provoque un tumulte. […] L’interprète de Franz jette un regard ardent et noble à la vertigineuse galerie: «Comme le monde manque de compréhension pour le grand art», pense Wenzel. Dès lors, il prend une décision secrète, il sera comédien.