Bienne vue par Robert Walser Deutsch

5. Le retour

Quai du Bas 45, anciennement hôtel de la Croix-Bleue

Extrait de La ville natale, lu par Antoine Joly.

Le jeune et vigoureux voyageur arriva par le train dans la ville où il était né. L’alentour lui parut plus charmant que jamais. Il entra dans un magasin de cigares et acheta du tabac. Le marchand s’avéra être un de ses camarades d’école. Le voyageur était parti de nombreuses années. Comme il se réjouissait maintenant que tout soit bien resté à sa place dans sa ville natale. […] L’air était baigné de sombres couleurs d’avril. Quelle surprise aux yeux de l’étranger que l’éclat qui inondait l’atmosphère et tout ce qui l’entourait. Quelque chose de grand et de jamais vu se répandait devant lui et lui fit éprouver une exaltation d’un genre tout à fait nouveau. Il en était heureux et agité tout à la fois, il en tremblait, il aurait pu rire et jouer aussi. Depuis qu’il était arrivé dans cette charmante vieille ville, c’était comme s’il était devenu plus jeune, plus clément, plus affable. Les gens le regardaient bonnement et avec amabilité, sans le fixer longuement et gravement de leurs yeux grand ouverts. Tout lui sembla amène et libre et chaleureux et délicieux, les maisons si gracieuses, les arbres si magnifiques. […] Le voyageur regarda et écouta. Il écouta, écouta encore! Il poursuivit son chemin très lentement et s’arrêta à chaque instant. Sa légèreté luttait avec une sorte de crainte et de doute qui s’emparèrent de son âme. Finalement, il trouva une petite maison blottie contre le rocher. Dans le délicieux jardin, les arbres étaient si petits. Tout semblait sourire, murmurer et gazouiller. Profonde et verte, l’herbe d’un pré le regardait. Il se souvint de rêveries oubliées depuis très longtemps.